Velly   avec Jacques Le Maréchal
 
 

Cette conversation enregistrée en mai 1979 (la cassette audio porte une étiquette manuscrite portant cette date) se déroule lors d’un repas au 26, rue Lemercier chez Michel Random.


Jean-Pierre Velly se trouve en compagnie d’autres artistes comme Jacques Le Maréchal (qu’il admire), Francis Mockel, peut-être d’autres. Rosa Estadella, la femme de Jean-Pierre Velly est aussi présente.


Nous sommes à la veille de la publication du livre de Michel Random « l’Art Visionnaire ».


Nous n’avons retranscrit ici que les propos de Velly.


Les mots emphasés par J.P.V. sont en gras ; nous avons taché d’imaginer une ponctuation qui respecte le langage et le rythme employés des interlocuteurs.


L.M.: Jacques Le Maréchal

M.R.: Michel Random

F.M.: Francis Mockel


                                           (Transcription Pierre Higonnet, février 2006)





J.P.V.     Alors, on boit ensemble, non ? Non, on boit ensemble ! ... à la romaine….


Le vin kasher, qu’est ce que c’est alors ?


Alors, moi, je suis pas d’accord avec Mockel ! Parce que je trouve que c’est très prétentieux de croire que, peut-être pour le développement  des masses humaines, il est arrivé comme ça à ces microbes que nous sommes, que Vénus entre dans le Lion ou dans le Bélier, ou je ne sais pas trop quoi… Hein ?


Les Visionnaires ? Ce n’est pas de prévoir le futur, on en n’a rien à foutre…C’est de découvrir la vérité, ta vérité…


Moi, je suis en train de dire à Mockel qu’il est mystique. Moi je le sens, je le sais. C’est toujours, ça je le sens chez Mockel, qu’il creuse à l’intérieur de lui-même, c’est tout. Moi, personnellement.


Mockel est un mystique.


Tous les visionnaires sont des mystiques.


Tous le monde n’est pas mystique non plus, Maréchal ?!


Les socialistes … sont des mystificateurs ! Pour reprendre presque un mot à la Maréchal…


En temps que travail, chez un le Maréchal, chez un Mockel, c’est un égoïsme terrible… Si on s’est fait chier,  il faut un égoïsme ! égoïsme qui veut dire travail, qui veut dire, euh… ( ???)  quand on fait un dessin en un an ! etc. etc. que jamais on pourrait jamais rien transmettre !


C’est l’invention d’un langage… un désespoir, un désespoir de communication,

parce que tu te dis quand tu touches le fond, tu te dis que … tu n’arriveras jamais à rien communiquer. C’est terrible ! Pour moi, c’est simple. Je veux dire : « À quoi ça sert ? À quoi ça sert ? Ça c’est la société, à quoi ça sert ? Rien ne sert à rien ! Non ? »


Mais je crois que tous les visionnaires sont… mystiques !   Mais profondément… Alors Mockel, je voudrais te demander une chose : est-ce que tu mettrais Dalì dans « les Visionnaires » ?


(Mockel répond : “Non, car cela n’engage pas son être profondément”).


Voilà, profondément... ça m’étonne, et moi, je vais engueuler Moreh, quand je vais le revoir, parce que je vais lui dire : « Mais comment tu te permets de vouloir foutre Dalì dans « les Visionnaires » ? »


Alors tu vois qu’on arrive à une définition d’une mystique ? C’est-à-dire : la mystique qu’est ce que c’est ? C’est entrer à l’intérieur de soi, c’est descendre DANS SES ENFERS ! Porca miseria ! Et ça, c’est la chose la plus dure du monde ! De descendre dans ses enfers…Parce que ensuite, comme dirait Michel Random, il faut resurgir. Et ça, c’est un autre problème !

Alors Dalì, c’est une pellicule. Tiens …comme dirait Maréchal, parce qu’il aime bien les mots en plastique et tout, c’est comme ça (gestes)…une pellicule en plastique. Alors Dalì n’a rien à foutre dans « les Visionnaires ». Rien. Et ce qui m’étonne, c’est que Moreh, un être aussi profond et aussi…puisse dire une chose pareille !


...


Hein, Mockel, entre le Grand Jeu, et des types qui, comme le disait Corbière (je le dis pendant que Maréchal n’est pas là).. ??? la Terre et puis le Ciel euh .. quand tu lis ça, vraiment, les Surréalistes sont des jeux de salon (salauds ?)… et ensuite « Avida Dollars », c’est pas pour des prunes ! Il n’y a pas de fumée sans feu ! Alors il ne faut plus qu’il vienne faire chier ! (Maréchal acquiesce). Tu comprends ? Parce que c’est très facile, tu deviens habile : qui ne sait pas faire un beau drapé ! Comme ça …Alors, tu regardes par un petit trou, et tu crois qu’il est là. Alors, dans son Musée - moi je l’ai vu à Figueras, non ? -à moi, on ne me la fait plus… Dalì, on en rien à foutre ! Alors c’est l’épiderme.


Magritte, c’est naturel; non Magritte, je le vois ça naïf, comme un poète, comme quelqu’un de plus généreux, de vrai, non ? Et puis quand il fait sa colombe, comme ça avec, non ? Ou alors quand il fait ces messieurs avec des chapeaux melon avec plus rien derrière et tout, non ? Non, là je vois différent. Dalì, non…je le vois … comme un… vautour, personnellement. Dalì, pour moi, il a failli toucher… Porca miseria ! J’ai vu à Rotterdam de très belles choses de Dalì… quand même…grandes comme ça ! Quand Dalì était dans l’oeuf, non ?


Oui, oui, Maréchal, moi quand je parlais au sens figuré, parce que quand Dalì était dans l’œuf, c’est quand il était jeune peintre.


Alors la chose dont on a pas parlé hier soir, De Chirico, toute l’architecture fasciste italienne est venue APRES De Chirico, est construite selon les trucs de De Chirico… C’est assez hallucinant ça, non ? De Chirico, il a fait son pas en arrière, il s’est arrêté, PARCE CE QUE C’EST SUR LA CORDE RAIDE, Michel Random, qu’on voit l’artiste ! Et c’est dur ! Et « l’art Visionnaire », d’entrer à l’intérieur de soi-même, je crois que pour tout le monde, c’est la chose la plus difficile qui existe au monde, d’entrer, de toucher le fond de soi-même, je crois. Et de toucher… Si tu veux… c’est sur le fil du rasoir, Maréchal, et c’est pour ça que je trouve très beau… ta toile qui doit être reproduite en couverture… Parce que ton équilibriste, il est en train de perdre l’équilibre, on ne sait pas combien de temps ça va durer, et les gens comme ça, tu comprends… Alors je trouve ça très très beau, il est en plein déséquilibre,  et il tient quand même, tu vois…


Et alors ! Mockel, je vais te raconter une histoire. C’est pour ça que, passé quarante ans… c’est ce que je disais (quand on était parti chercher la viande, ou le poulet froid…qu’on a pas trouvé !)… C’est pour cela qu’il y a beaucoup d’artistes qui font de comme ça (geste de la main) à comme ça. Parce qu’ils en ont marre. Parce qu’ils ont connu la vénalité de l’argent – on peut dire ça, c’est français ? – et alors ils se disent : « j’en ai trop chié, alors je change ». Et très peu sont ceux qui tiennent jusqu’au bout, jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la mort, non ? C’est pas facile, hein, le Maréchal ? C’est que le bas blesse ? Hein ! A quarante ans, t’as des possibilités, t’as des trucs, tu repenses à ta vie, tu repenses à tout, et tout, alors, tu te dis : « ça y est ! ». Mais y’en a pas beaucoup, hein ? Le Maréchal ! Y’en a très peu, y’en a presque pas… personne … ou très peu osent se suicider…


(violente réaction de Michel Random) :

Non ! Oh Mon Dieu ! Le suicide c’est la chose pire que tout!


J.P.V.     Moi, j’ai une philosophie intérieure complètement contre le suicide, complètement … Non vraiment !


Mais la peur, la peur tu sais !


Pas très sûr, parce qu’il est tout chargé d’un (manque? monde?) qui lui enlève sa balance, il…C’est beau Mockel, c’est très beau cet équilibriste, en plus c’est plus symbolique que ça, et plus évident, et plus simple, les faire ( ?) simplistes, tiens ! que Maréchal pour ça. Alors c’est … Parce que tu peux le voir au moins à un niveau, deux, trois, quatre, cinq…C’est au second degré.


M.R. Très juste ! Là je crois cette fois-ci mes enfants qu’on a touché quelque chose d’authentique.


J.P.V.     Alors, tu vas voir Le Maréchal un peu pour voir comment il veut la composer un peu … Moi, je la verrais … on peut parler non ? … Je la verrais… assez petite, perdue dans le noir …Non ? (On lui répond que non).


J.P.V.     Tu pourrais au lieu de l’appeler « l’Art Visionnaire », l’appeler « le Maréchal », non ? (rires).


Et on ne sait pas si il est en train de tomber ? Et on ne sait pas si il est en train de tomber ?



La cassette s’interrompt.



...Le temps finira mon œuvre...





Conversazione con Le Maréchal 1979

registrato da

Michel Random






Jacques Moreau, dit Le Maréchal nasce a Parigi nel 1928. Pittore ed incisore, è ai margini del gruppo dei Surrealisti e frequenta André Breton, André Pieyre de Mandiargues, Gaston Bachelard & Alain Jouffroy. Velly si sentiva molto vicino a Le Maréchal, come l’attesta l’intervista con Françoise Voymant della Bibliothèque Nationale de France.


V’invitiamo a scoprire la sua opera



*

leggere il testo di Maxime Préaud sui maestri di Velly



Questa conversazione registrata nel maggio 1979 si svolge durante un pasto

al 26 della rue Lemercier in casa di Michel Random.


Jean-Pierre Velly si trova in compagnia di altri artisti come Jacques Le Maréchal (che ammira), Francis Mockel, forse altri. Rosa Estadella, la moglie di Jean-Pierre Velly è presente.


Siamo alla vigilia della pubblicazione del libro di Michel Random «l’Arte Visionaria».


Qui abbiamo solo riprodotto le parole di Velly




L.M.: Jacques Le Maréchal

M.R.: Michel Random

F.M.: Francis Mockel

R.E.: Rosa Estadella


(Trascrizione Pierre Higonnet, dicembre 2009)





J.P.V.     Allora, beviamo insieme, no ? Dai, beviamo insieme ! ... alla romana ...


I Visionari ? Non è prevedere il futuro, chi se né frega !… È di scoprire la verità, la tua verità…


Sto dicendo a Mockel che è un mistico. Io lo sento, lo so. È sempre così, ecco, lo sento in Mockel che cerca all’interno di se stesso, tutto qua. Io, personalmente.


Mockel è un mistico.


Tutti i visionari sono dei mistici.


Tutto il mondo non è mistico però, Le Maréchal ?!


I socialisti … sono dei mistificatori ! Per dire una cosa alla Le Maréchal…


Nel lavoro, in le Maréchal, in Mockel, c’è un egoismo terribile… Se dobbiamo faticare così, ci vuole dell’egoismo... che vuol dire lavoro, che vuol dire, ma… ( ???)  quando uno fa un disegno ogni anno! ecc. ecc. e che mai si riuscirà a trasmettere niente !


È l’invenzione di un linguaggio… una disperazione, un disperazione di comunicazione, perché quando tocchi il fondo ti dici a te stesso che non riuscirai mai a comunicare. È terribile ! Per me, è semplice. Voglio dire : «A cosa serve ? Cioè, scusa, a cosa serve ? La società, a cosa serve ? Nulla serve a niente, no ?»


Ma credo che tutti i visionari sono mistici!   Ma profondamente … Dunque Mockel, ti vorrei fare una domanda : tu ci metteresti Dalì nei «Visionari» ?


(Mockel risponde : No, perché non coinvolge profondamente tutto il suo essere).


Ecco, profondamente... Mi stupisce... e sgriderò Moreh la prossima volta che lo rivedo perché li dirò : « Ma come ti permetti di voler inserire Dalì negli « Visionari » ? »


Dunque vedi che si arriva a una definizione di un mistico... cioè la mistica, cos’è? È entrare all’interno di se, è scendere NEI PROPRI INFERI ! Porca miseria ! E questo è la cosa più dura che c’è al mondo! ! Di scendere nei propri inferi…Perché dopo, come direbbe Michel Random, bisogna risorgere. E questo è un altro problema !


Dunque Dalì è una pellicola. Tieni …come direbbe Maréchal, perché li piacciono le parole in plastica ... è così …una pellicola in plastica. Dunque Dalì non c’entra nei «Visionari». Niente. E la cosa che mi stupisce è che Moreh, un essere così profondo e così… possa dire una cosa simile !


...


Cosa? Mockel, tra il Grand Jeu e dei tipi che, come diceva Corbière (lo dico mentre Maréchal non c’è)... cioè i Surrealisti sono dei giochi di salotti… e poi « Avida Dollars » non è a caso! Non c’è fumo senza fuoco! Dunque che non ci venga a rompere! (Maréchal acconsentisse). Capisci ? Perché è molto facile, diventi abile: chi non sa fare un bel drappeggio! Dunque, nel suo museo - io lo visto a Figueras, no? - a me non me la fai… Dalì, ma chi se ne frega! È solo la superficie...


Magritte è più naturale; no Magritte, io vedo una cosa più naïf, come un poeta, come qualcuno di più generoso, di più vero, no ? E poi quando fa i suoi colombi, no? O quando fa questi signori con i loro cappelli bombati e niente dietro ...? No, qui vedo diversamente. Dalì, no… lo vedo … come un… avvoltoio, personalmente. Dalì, per me, ha quasi toccato … Porca miseria ! Ho visto a Rotterdam delle cose molto belle di Dalì… bisogna dirlo… grande così ! Quando Dalì era nel guscio, no?  ... Sì, sì, Maréchal, facevo una metafora quando dicevo che Dalì era nel guscio, volevo dire quando era un giovane pittore.


Dunque la cosa di cui si parlava ieri sera, De Chirico, tutta l’architettura fascista italiana è arrivata dopo De Chirico, cioè costruita secondo un estetica di De Chirico… È allucinante, no? De Chirico: ha fatto retromarcia , si è fermato. Perché è sulla corda stesa, Michel Random, che si vede l’artista vero! Ed è dura ! E « l’Arte Visionaria », entrare all’interno di se stesso, credo che sia per qualsiasi persona la cosa più difficile che ci sia, di entrare, di toccare il fondo di se stesso, credo. E di toccare (il fondo) … Se vuoi è sul filo del rasoio, Maréchal, ed è perché trovo molto bello, cioè il tuo quadro… che sarà riprodotto in copertina (del libro). Perché il tuo equilibrista, sta per perdere l’equilibrio, non si sa quanto tempo reggerà, cioè la gente così... capisci? Dunque lo trovo molto molto bello, è in pieno squilibrio,  ma regge lo stesso, vedi…


E dunque, Mockel, adesso ti racconto una storia. Superato quarant’anni - ti ricordi, quando cercammo  il pollo freddo che non abbiamo mai rimediato… Ci sono molti artisti che vanno da così a cola (fa un gesto con la mano). Perché sono stufi. Perché hanno assaporato il gusto dei soldi e dunque dicono: «Ho già faticato abbastanza, allora cambio». E ci sono pochissimi, quelli che reggono fino alla fine, fino alla fine, cioè fino alla morte, no? Non è facile, che ne dici, Maréchal ? È qui che si decide tutto! A quarant’anni, hai un sacco di possibilità, di opportunità, hai imparato molto, pensi alla tua vita, pensi a un sacco di cose, e poi ti dici : «Ecco!» Ma non ci sono molti, Le Maréchal ! Ansi ci sono pochissimi, quasi nessuno … nessuno … osa, tenta il suicidio… 


(violente reazione di Michel Random) :

No! O! Dio mio ! Il suicidio è la peggiore delle cose !


J.P.V.     Io ho una filosofia interiore completamente contro il suicidio, completamente … No, davvero ! 


Ma la paura, la paura, sai ...


È bello Mockel, è molto bello questo equilibrista, in più è più simbolico, più ovvio e più semplice … Perché lo puoi vedere almeno a ... un, due, tre, quattro, cinque livelli… È al secondo grado.


M.R.     Appunto! Ecco, credetemi ragazzi, questa volta abbiamo toccato qualche cosa di molto autentico.


J.P.V.     Dunque, vediamo, Le Maréchal come si potrebbe comporre un po’ (la copertina) … Io la verrei... se ne può parlare? … Io la verrei … abbastanza piccola, persa nel buio nero… no ? (Rispondono di no ).


J.P.V.     Invece di intitolarlo « l’Arte Visionaria », potresti chiamarlo « Le Maréchal », che ne dici ? (ridono).


E non si sa se sta per cadere ? non si capisce se sta per cadere...




... Il tempo finirà la mia opera ...


La cassetta s’interrompe.

 


Conversation avec Le Maréchal 1979

enregistrement de

Michel Random

Jacques le Maréchal est né en 1928. Peintre et graveur, il  est en marge du mouvement surréaliste et fréquente Breton, André Pieyre de Mandiargues, Gaston Bachelard & Alain Jouffroy. Velly se sentait très proche de l’artiste, comme il le confie dans les années 1970 à Françoise Voymant de la Bibliothèque Nationale de France.

Nous vous invitons à découvrir son oeuvre 

lire le texte de Maxime Préaud sur les maîtres de VellyMaxime_Preaud_fra.html

voir la page consacrée à Jacques Le Maréchal

lire et entrendre les entretiens de Jean-Pierre Velly avec

Michel Random de


1982


1983

voir l’exposition “Les Visionnaires” 2006 à Rueil - Malmaisons
Les_Visionnaires_Rueil_Malmaison.htmlLes_Visionnaires_Rueil_Malmaison.htmlshapeimage_4_link_0
lire le texte de Nirjan Corvisieri
la discesa algli inferi di Jean-Pierre VellyCorvisieri_la_discesa.html

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