Velly     Didier Mazuru
 

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Didier Mazuru est né à Paris en 1953; il vit et travaille à Stokholm. Voici les oeuvres présentées au Panorama Museum.

Didier Mazuru



Extraits tirés des nouvelles de l’estampe n°75 (mai/juin 1984)



    Né à Paris en 1953, Didier Mazuru vit et travaille à Stockholm depuis 1981. De formation architecte, il gardera de ces années d’études, le goût du travail mûrement élaboré, longuement remanié… ”je suis fasciné par les images qui, tel le lit d’un fleuve pétri sous les efforts conjugués des dépôts d’alluvions et du travail d’érosion qui révèle les différentes couches sédimentaires, portent les stigmates du temps qui les a vu se faire. Lorsque je regarde une simple pierre, celle-ci me parle. Par sa texture, son aspect plus ou moins patiné, ses cassures, arêtes ou rondeurs, par sa couleur plus ou moins oxydée, la composition de sa matière… elle me fait sentir son âge et les chemins qui l’ont conduit à trouver sa forme. Elle me conte en silence son histoire. J’attends d’une œuvre d’art qu’elle me parle de la même façon mais en beaucoup plus riche naturellement, puisqu’interviennent des considérations de culture et de sensibilité étrangères au monde des pierres.”


    Sur les conseils de ses amis Eric Desmazières et surtout Yves Doaré – qui l’initiera véritablement aux différentes techniques – Didier Mazuru a commencé à s’intéresser à la gravure vers 1978. Dès 1981 oubliant l’architecture, il peint, dessine et grave, pratiquant surtout le burin et l’eau-forte, parfois additionné d’aquatinte, de pointe sèche ou de roulette. (…). Dans sa lutte avec le cuivre, il retrouve les préoccupations des peintres primitifs: ”J’aime la peinture des primitifs car je sens que (…) la force de leurs œuvres semble directement liée à la limitation de leur technique et aux possibilités qu’ils savent en tirer. La matière leur est peu docile et, partant, extrêmement suggestive. C’est cette qualité d’”indocilité” qui me plaît dans le cuivre et qui me pousse à graver”.



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L'aspect visionnaire   (D. Mazuru, 30/10/95)



    Comment définir l'art visionnaire? Le caractère visionnaire d'une œuvre ne se révèle-t-il pas dans le pouvoir qu'elle a d'éveiller en nous tel ou tel aspect ignoré de notre être, ou encore d'éclairer d'un jour nouveau la réalité d'un moment, d'en rendre manifeste une de ces potentialités cachées?

    Dans ce cas, l'artiste visionnaire ne serait pas un voyant pourvoyeur d'images prophétiques, mais plus simplement quelqu'un capable de donner une forme à ce qui sommeille dans les profondeurs. Il ne saurait alors y avoir d'intention préméditée dans l'esprit de celui-ci. La vision ne peut être un jeu de l'intellect. Elle n'est pas davantage un produit de l'imagination.

    Alors que le fantastique fait appel à la pure imagination, qu'il nous raconte une histoire, le visionnaire découvre ce qu'il a à exprimer dans et par le travail. Ce qui surgit sous le pinceau du peintre est vécu dans ce cas, par lui, comme apparition et non comme projection. Mais est-ce bien cela? Quelle est la source véritable de cette inspiration? On la souhaiterait lointaine, située aux confins du cosmos, ou dans les abîmes de l'être! L'image visionnaire est peut-être encore, tout simplement, le fruit d'un entrelacs d'impressions d'origines variées stockées dans l'inconscient du peintre et que le jeu  mystérieux de l'action picturale ramène à la surface.

    Peu importe. Lorsque l'artiste visionnaire cherche à ordonner ce qui descend (d'un au-delà), ou ce qui remonte (des profondeurs), pour lui donner un sens d'ailleurs jamais acquis, il n'interprète pas, ne raconte pas. Il présente et rend présent, en un mouvement non pas inventé mais révélé, ou la dimension symbolique (sémantique) prime sur la dimension plastique (esthétique).

    Plus le symbole est ambigu, plus son potentiel est grand. L'image doit être capable de conserver son mystère, même aux yeux du peintre. Une œuvre sincère, à la fois cohérente, profonde, subtile, inspirée et néanmoins insaisissable, tel est le souhait de sa recherche. Que faire d'une œuvre qui nous livrerait d'emblée tous ses secrets, sinon la jeter au rebut.

    Enfin, si le propos de l'art fantastique est de nous faire rêver, celui de l'art visionnaire doit être me semble-t-il de nous ramener à nous-mêmes.

    Ainsi, la cohérence (l'évidence) doit être atteinte de façon telle que le mystère en sorte fortifié, afin que la recherche incessante et continue du sens de l'œuvre, par delà l'émergence des mythes, nous conduise peu à peu à la rencontre de cet autre, perdu en chacun de nous.


D. Mazuru





Les mots et l'innocence du regard (D. Mazuru, sept. 1989)



    "Le mot n'est pas la chose" écrit Saint-Exupéry. Ce n'est certainement pas un peintre qui le contredira. Il n'y a qu'une façon de comprendre la peinture, c'est d'aller la voir et d'éviter de la juger trop vite afin de rester devant les œuvres l'esprit aussi ouvert que possible. La patience et l'humilité sont des qualités précieuses au moment de l'acte créatif mais aussi à tout moment du dialogue artistique. Elles nous aident à pénétrer les trois niveaux fondamentaux de toute démarche créatrice: l'authenticité, la subtilité et la cohérence. La subtilité s'accommode mal d'un jugement hâtif et l'authenticité comme la cohérence se perdent dans les exercices comparatifs. Aussi éviterai-je le "néo-mise-en-boite-isme" si prisé des néophytes. Cette peinture n'appartient à aucun courant précis et je ne peut réduire sa filiation à un maître en particulier. Elle est par contre certainement influencée par tout ce qui à pu me toucher : de nombreux peintres, penseurs et musiciens, certaines rencontres, mais aussi la nature, les maux humains.


    Chaque image se présente à mes yeux comme un carrefour de l'instant où se rencontrent les compléments et les contraires : figuration et abstraction, symbole et ambiguïté, rêve et réalité, cohérence et contradictions, ineffable et tangible, conscience et instinct, humour et profondeur, doutes et certitudes, inquiétude et sérénité, pesanteur et légèreté...

    Mais arrêtons nous là. Le souffle poétique n'a nul besoin d'explication à l'infini. Si le pétard est mouillé au départ, il le restera jusque dans l'accumulation des mots. Le peintre n'est pas un ruminant comme le lecteur Nietzschéen. Peindre c'est céder, autant que faire se peut, à un état d'abandon. Aux autres de ruminer le résultat. En espérant qu'il en vaille la peine. 


D. Mazuru









Extraits du Journal de l’artiste


1982

    Je ne peux pas dire que je peins pour telle ou telle raison. Si je le pouvais, peut-être n’éprouverais-je plus le besoin de peindre.


    En art, la cohérence est révélation et non construction de l’esprit. Aller vers l’inconnu, ce n’est pas chercher, car comment chercher ce dont on ne connaît même pas l’existence, mais trouver ce qu’on ne cherchait pas.


    En allant vers l’inconnu, l’artiste ne va pas vers n’importe quel inconnu. Il va vers sa destiné.


1984

    La perfection, c’est quoi? Transcendance, dépassement, équilibre, richesses, complexité, simplicité, un idéal inaccessible, une étoile pour s’orienter… Ou bien, ce qui ne peut plus évoluer, qui a trouvé sa forme définitive et immuable, figé pour l’éternité, comme la mort?


1984

    Collectionner, c’est chercher à saisir un impossible miroir. La contemplation artistique est un acte éminemment narcissique. On cherche dans l’œuvre l’image sublimée de soi-même.


    Peindre au plus haut degré, c’est aller à l’essentiel. Or l’essentiel n’est ni dans l’anecdote (le sujet), ni dans la représentation (symbole), ni dans l’attrait décoratif, ni dans la prouesse technique (effet). L’essentiel, c’est le poids d’infini contenu dans une forme particulière pétrie dans la matière, la couleur et la lumière.


1985

    C’est méconnaître l’activité créatrice que d’imaginer le peintre assis face à sa toile, sans bouger, attendant que lui vienne l’inspiration. L’inspiration ne précède pas le travail, elle le suit. C’est au contact de la matière picturale (par le pinceau, le crayon la plume…), que le peintre se met à vivre et à créer. Car celle-ci résiste et c’est cette résistance même qui amène le peintre au-delà de ses interrogations, vers quelque chose de plus fondamental dont chaque apparition laisse en lui des traces profondes.

    Ainsi, c’est le contact quotidien avec la matière qui le fait avancer et non quelques travaux effectués, de-ci de là, selon l’humeur ou dans l’attente d’un désir. Notre imagination est très limitée. Il lui faut une texture malléable par laquelle elle puisse cheminer sur les voies du hasard. Ce qui est conçu l’est dans une technique. Le peintre est dépendant de la matière au même titre que l’écrivain l’est de la langue.

    Le sentiment artistique varie donc selon qu’il prend corps dans une technique ou dans une autre. Il dépend en partie des possibilités du matériau employé et des aptitudes de l’artiste à en tirer parti.


1988

    Le savoir faire n’est pas un but de l’art. La mission de l’art n’est pas de répéter mais d’innover.


1990

    D’un certain point de vue, l’apparition du style montre que la réponse de l’artiste à une stimulation donnée est conditionnée. D’un autre point de vue, le style est une manière de codification, une manière d’établir la base des références nécessaires à toute  identité. Il est aussi encore une manifestation du champ des obsessions de l’artiste.

    L’art devrait autant que possible être instinctif, spontané, innocent, mais il n’y a pas d’art sans culture, pas de sens sans référence, pas de cohérence sans point de repère.

   

Un tableau rassemble un ensemble d’éléments caractérisés par l’unité qu’ils forment et qui les rend indivisibles. Chaque élément doit y être au service du tout.


Juillet 1991

    Pourquoi certains textes, certaines peintures nous paraissent-ils de plus en plus beau? Cela doit être une question de profondeur.

    Quelle est la source de cette profondeur? La charge d’amour et de clairvoyance?


1991

    Coupez une branche à un arbre et c’est toujours un arbre. Mais enlevez un morceau d’un carré ou d’un cercle ou déformez les un tant soit peu et il n’y a plus ni carré ni cercle. En ce sens la perfection de l’arbre est plus grande que celle du carré ou du cercle. De ce point de vue encore, le carré où le cercle ne sont pas parfaits, mais simplement exemplaires.


1991

    L’art ne devrait pas être pour un créateur, le tout-à-l’égout de ces états d’âme.


Mai 1992

    Plus notre perception va en profondeur, vers le cœur, le centre des choses, plus elle se rapproche du réel. Plus notre perception est superficielle, grossière, plus elle est illusoire. Mais aller en profondeur, discerner les nuances, les subtilités, remonter les ramifications des causes et des effets, tout cela demande de la patience, des efforts, de la persévérance, de l’abnégation, c’est pourquoi il est toujours plus facile de juger que de comprendre. Juger ne demande aucun effort. L’ego juge de façon automatique et ce faisant, alors qu’il croit exprimer une vérité, il entretient la confusion.


    Rien n’est plus difficile que de s’extraire de sa propre grossièreté ou vulgarité, c’est-à-dire de ses préjugés, de ses croyances, de ses désirs, de ses peurs, de ses inhibitions, tendances et névroses. Rien n’est plus difficile dans l’obscurité que de marcher droit. Tout commence par un peu de lumière.


1993

    J’ai entendu un historien d’art affirmer que Picasso s’intéresse plus à la recherche de la vérité que de la beauté. Existe-t-il quelque chose de plus beau que la vérité?

Didier Mazuru en compagnie d’Yves Doaré

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