Velly    Bernard Noël, 1976
 
 

Le trait est au visible ce que l’atome est au monde. Ainsi notre relation avec la réalité passe par le trait, car nous ne la connaissons qu’en instance d’être écrite par nos yeux. Le trait est a doublé face : il est notre folie d’aller vers les choses et la folle retenue qui nous empêche de les atteindre, en les voilant du désir même que nous en avons. L’écriture est ce toucher impossible, qui suscite l’empreinte de la chose là où il devrait l’atteindre -la rencontrer. Ce mouvement d’aller, qui ne reçoit rien en retour, on n’en lit l’insistante démence nulle part mieux que dans la gravure (à condition de préciser ici que s’intitule trop souvent gravure ce qui n’est que reproduction par un artiste même de ses propres images). La main qui grave veut faire surgir : elle ne suit pas un dessin, elle le cherche. Et cette différence fait qu’un Bresdin ou un Méryon sont des graveurs, alors que la plupart des soi-disant graveurs sont des dessinateurs n’utilisant le cuivre que par souci de multiplication. Si une image de Jean-Pierre Velly appelle nos yeux à ce point, c’est peut-être moins pour les qualités évidentes qu’ils y lisent, que pour cette raison fondamentale qu’elle est écrite avec la vivacité d’un surgissement qui, dans un même élan, nous offre la vision de l’origine et nous la dérobe en nous la fournissant. Toute image, dans cette oeuvre, doit sa puissance au fait qu’elle se dénonce pour ce qu’elle est et voudrait ne pas être : la couverture d’un mouvement de découverte. La naissance est proche de la mort : il suffit de retourner le trait qui les sépare, mais dans ce retournement quelle unité soudain apparaît ! La même que celle du noir et du blanc puisque le graveur n’inscrit avec l’un que l’affirmation de l’autre.


Bernard NOËL










BIOGRAPHIE DE BERNARD NOËL


1930     Naissance de Bernard Noël, le 19 novembre à Sainte-Geneviève dans l’Aveyron. Passe son enfance et son adolescence dans ce département.


1949     Arrive à Paris pour suivre des cours d’histoire et de sociologie. Fait aussi de nombreuses traductions.


1956 à 67 Responsable des Dictionnaires Laffont-Bompiani : Dictionnaire des auteurs. Dictionnaire des œuvres (refonte, mise à jour pour le contemporain).


1958     Publie “Extraits du corps” aux éd. de Minuit.


1967     “La face de silence” chez Flammarion.


Directeur des éditions Delpire consacrées aux livres pour enfants.


1969    Parution du “Château de Cène” sous le pseudonyme d’Urbain d’Orlhac.


1970 - 71 Travail de recherche et de publication du “Dictionnaire de la Commune”. Décide aussi de vivre de son travail d’écrivain.


1973     “Château de Cène” paraît chez Pauvert sous le nom de Bernard Noël. Condamné pour outrage aux mœurs, le livre sera republié en 1975 avec la réponse de l’auteur “Outrage aux mots”.


1977 à 83 Responsable de la collection “Textes” chez Flammarion, l’une des rares collections de littérature contemporaine.


1979     Parmi de nombreux voyages, celui en U.R.S.S., cette année-là, deviendra un récit publié.


Nov 81 à 1983 Résident comme boursier à la Circa de Villeneuve-lès-Avignon. “La chute des temps” et “Poèmes I” qui regroupe l’essentiel des publications précédentes.                                         /


1983     Crée le Centre littéraire rattaché à la Fondation de Royaumont. Se retire en automne 84 de la direction pour se consacrer à l’action poétique (séminaires de traduction,...).


1984     “Olivier Debré”, éd. Flammarion. Paraissent par ailleurs et régulièrement de nombreux textes sur des peintres (Jan Voss, Matisse, Magritte,...).


1987     Rédacteur en chef de “Journal à Royaumont” qui témoigne du travail de traduction parmi les autres activités du Centre. L’un des trois écrivains boursiers du Département de Seine-Saint-Denis. Il en résulte “Portrait du monde”.

 

lire le très beau texte de Bernard NOËL sur François Lunven

Texte de 1976 servant à l’introduction à l’exposition l’Oeuf du Beau Bourg

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